D’une carrière professionnelle au sein de grandes entreprises à la décoration d’intérieur, il n’y a qu’un pas… pour qui ose suivre sa passion. C’est le chemin qu’a choisi Angélique Buisson qui a quitté le monde de la gestion de l’environnement pour fonder en 1994 la société Angel des Montagnes. Spécialisée dans l’aménagement de chalets alpins, Angélique Buisson a fait de son amour pour la montagne une véritable philosophie de vie. Sa signature, alliance subtile entre authenticité, modernité et élégance, a fait sa renommée dans l’univers de la décoration d’intérieur. Aujourd’hui, elle nous dévoile sa démarche créative, ses conseils d’experte et sa vision de l’art. Rencontre avec Angélique Buisson, la décoratrice qui insuffle l’âme de la montagne au cœur des chalets alpins.
Angélique Buisson : quand la montagne devient une vocation
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ? Qu’est-ce qui vous a menée à devenir décoratrice d’intérieur, spécialisée dans l’univers de la montagne ?
À l’origine, rien ne me destinait particulièrement au monde de la décoration. J’ai commencé mon parcours par des études de droit, suivies d’un cursus à l’Institut d’Études Européennes Denis de Rougemont, puis d’un MBA. Plus tard, tout en poursuivant une carrière professionnelle dans de grandes entreprises où je traitais de problématiques environnementales, je me suis lancée dans un doctorat en gestion de l’environnement.
Parallèlement à cette trajectoire, la montagne a toujours occupé une place privilégiée dans ma vie. Au fil du temps, j’ai ressenti de manière croissante un décalage entre ma passion profonde pour l’univers alpin, l’envie d’évoluer au cœur de cet environnement authentique et la réalité d’une vie professionnelle très urbaine.

C’est ainsi qu’est née en 1994 ma société, Angel des Montagnes. Par la suite, nous avons ouvert des boutiques à Paris, au Japon et en Italie. Dès le début, notre philosophie fondée sur la simplicité et l’authenticité a naturellement trouvé écho auprès du public. Aujourd’hui encore, ces valeurs restent profondément enracinées dans chacune de mes réalisations.
Quel est votre rôle dans le processus de création d’une décoration d’intérieur, et comment travaillez-vous avec l’architecte et les clients tout au long du projet ?
Mon rôle consiste à optimiser les plans en collaboration avec l’architecte. Je viens apporter mon regard sur l’aménagement intérieur, en poussant les idées plus loin, en proposant des solutions inédites auxquelles les architectes n’ont pas forcément pensé. Dans un premier temps, je travaille sur les revêtements et les plans techniques, notamment l’électricité. Une fois cette étape validée par les clients, je rédige un descriptif complet du projet qui inclut des élévations, des croquis, des échantillons de matières, etc.
Une fois que cette enveloppe est clairement définie, nous passons à l’élaboration des planches tendances. Les planches tendances apportent une vision plus concrète du projet avec des propositions de mobilier, de couleurs et une prévisualisation de l’ambiance générale souhaitée.
Enfin, nous procédons à la décoration proprement dite, en travaillant chaque pièce dans les moindres détails. Tout le processus peut prendre de 18 mois à deux ans.
Réussir l’aménagement d’un chalet alpin : les conseils d’Angélique Buisson
Quelle est votre démarche créative lorsque vous commencez un nouveau projet de décoration dans un chalet alpin ?

Dans l’aménagement d’un chalet, deux éléments occupent une place centrale à mes yeux : l’escalier et la cheminée. Je suis particulièrement passionnée par les escaliers, souvent considérés comme de simples éléments techniques, alors qu’ils jouent un rôle essentiel en reliant harmonieusement les différents étages du chalet. Mon objectif est toujours de concevoir des escaliers ouverts et aériens, permettant à la lumière de circuler librement à travers les espaces. Pour cela, j’aime associer divers matériaux tels que le bois ou le verre, afin de créer des lieux élégants, chaleureux et lumineux.
Une fois l’escalier dessiné, je concentre mon attention sur la cheminée, autre élément emblématique des chalets alpins. J’aime réfléchir à sa position stratégique : doit-elle séparer deux espaces, être au cœur d’un coin lecture, ou simplement adossée à un mur ? Son matériau – bois, métal ou autre – ainsi que sa conception technique sont des aspects sur lesquels j’aime particulièrement travailler.
Au-delà de la cheminée et de l’escalier, y a-t-il d’autres éléments clés que vous intégrez systématiquement pour créer une ambiance alpine dans un chalet ?
Le bois reste incontestablement mon matériau de prédilection. Mais ce qui me caractérise avant tout, c’est l’harmonie que je crée grâce à lui. Je veille systématiquement à utiliser le même bois dans l’intégralité d’un chalet, sans jamais chercher à juxtaposer différentes essences ou matières.

Je ne cherche pas la sophistication ou la surenchère pour démontrer un savoir-faire esthétique. À l’inverse, je privilégie la simplicité. Je travaille donc souvent le bois sans plinthe. Cela peut être du vieux bois, du mélèze, du chêne ou même du bois local.
Comment parvenez-vous à créer un équilibre subtil entre tradition et modernité dans vos réalisations ?
Je crée un équilibre entre tradition et modernité grâce au choix des matériaux. Jamais je ne me lasse d’explorer les nuances de bois ou les textures de la pierre, car c’est cette matière brute qui apporte de la modernité à mes projets.
Je recherche toujours cette harmonie douce et apaisante, en créant une continuité subtile entre l’intérieur et la nature environnante. Ce lien est accentué par un travail précis sur la lumière, qui vient magnifier la beauté des matériaux.

Ma première exigence, ce sont les matériaux. J’aime le vrai, l’authentique. Par exemple, dans une cuisine, j’opte pour un bois de qualité, qui vieillit avec élégance, ou bien pour une pierre robuste si l’usage le nécessite. L’imitation me dérange. Je privilégie systématiquement les matériaux naturels et bruts dans l’ensemble de mes réalisations.
Quelles sont selon vous les erreurs les plus fréquentes en décoration d’intérieur de montagne ? Comment pouvons-nous les éviter ?
Les erreurs les plus courantes en décoration d’intérieur sont souvent dues à des ruptures visuelles. Selon moi, ces ruptures apparaissent principalement lorsqu’on juxtapose brutalement des matières ou des teintes qui ne s’accordent pas naturellement entre elles. Par exemple, lorsqu’on associe une peinture blanche à un bois chaleureux, ou quand on mélange plusieurs essences de bois dans un même espace, on risque de créer un déséquilibre visuel.
Par crainte de créer un « effet de boîte », on hésite souvent à utiliser trop de bois dans une pièce. Pourtant, en cherchant à éviter cela en intégrant un plafond blanc, par exemple, on produit précisément l’effet inverse : le regard est immédiatement attiré par ce contraste. À l’inverse, concevoir un espace entièrement en bois – sols, murs et plafond compris – peut renforcer la sensation d’espace, à condition que l’ensemble soit réalisé avec finesse, subtilité et sobriété.
Une autre erreur fréquente est la surenchère. Pour moi, l’espace est un luxe qu’il faut préserver et valoriser en lui permettant de respirer. Cette sensation de calme et de sérénité s’obtient nécessairement par une décoration sobre et épurée, sans surcharge ni accumulation d’objets inutiles.
Angélique Buisson : quand l’art se mêle à la décoration des chalets
Quelle place accordez-vous aux œuvres d’art dans vos projets ? Selon vous, comment l’art enrichit-il l’identité d’un intérieur alpin ?
Dans mes projets de décoration, intégrer des œuvres d’art comme des photographies de montagne, des peintures ou des sculptures apporte une richesse à l’identité d’un intérieur alpin. Lorsque l’on travaille sur des espaces à la fois modernes, simples et authentiques, les œuvres d’art viennent naturellement compléter et sublimer ces ambiances. Mais je reste attentive à ne pas tomber dans la surenchère, car « trop d’effet tue l’effet ». Il est crucial de choisir avec soin le bon emplacement, la bonne hauteur, et de privilégier la qualité plutôt que la quantité.
Vous avez récemment ouvert votre propre galerie d’art, nommée Rart. Comment vos deux univers – artistique et de décoration d’intérieur – se nourrissent-ils mutuellement ?

Ces deux univers dialoguent constamment et s’influencent naturellement l’un l’autre. La galerie Rart apporte une énergie nouvelle et une dynamique créative qui nourrissent directement mes projets d’aménagement intérieur. Chaque rencontre avec un artiste, chaque exploration approfondie de son travail éveille en moi le désir de mettre en lumière son œuvre. Ayant sélectionné ses œuvres pour leur caractère unique, je leur trouve facilement une place dans mes réalisations. Il s’agit d’un échange vertueux où l’art sublime la décoration d’intérieur, et où l’aménagement valorise à son tour les œuvres artistiques.
Selon vous, comment vos clients choisissent-ils une œuvre d’art pour leur décoration d’intérieur ?
Selon moi, le choix d’une œuvre d’art par mes clients relève toujours d’une démarche personnelle, presque intime. Il peut s’agir d’une réminiscence de leur enfance, d’une émotion, ou tout simplement d’un coup de cœur esthétique. Parfois, la renommée de l’artiste joue aussi un rôle dans leur décision : le nom rassure et donne une dimension supplémentaire à l’œuvre choisie. Mais c’est avant tout l’émotion qui domine. Le client se reconnaît dans l’œuvre et y retrouve ses propres sentiments. Choisir une œuvre d’art est une rencontre, un échange avec l’artiste. Prenons votre exemple, Thomas : votre sensibilité artistique, votre amour absolu pour la montagne, peut profondément résonner avec quelqu’un, même si cette personne n’est pas un alpiniste. Elle peut parfaitement ressentir votre émotion. C’est donc cette rencontre entre deux sensibilités, celle du client et celle de l’artiste, qui est merveilleuse.
Quels artistes ou mouvements artistiques vous inspirent particulièrement ?
J’aime l’art primitif et le minimalisme, car ils expriment l’essence même des matières, une simplicité épurée que je recherche constamment dans mes projets. J’aime l’art abstrait, tout comme la sculpture, et en particulier la sculpture sur bois. Ces courants artistiques résonnent avec mon amour pour les matériaux bruts et authentiques, ainsi qu’avec mon approche épurée et harmonieuse de la décoration.
Angélique, un grand merci pour cet échange. Souhaitez-vous ajouter quelque chose pour la fin ?
Oui, la seule chose qui me paraît essentielle, Thomas, c’est notre amour pour la nature. Au-delà des chalets que je décore et des photographies que vous réalisez, c’est véritablement cet attachement à la nature qui nous rassemble. Pour nous deux, la montagne est au cœur de tout, même si nous la ressentons et l’appréhendons de manière différente. C’est cette passion partagée qui nous nourrit et qui donne sens à notre travail. Pouvoir transmettre et partager cet amour, mais aussi fédérer autour de cette passion commune, voilà ce qui compte vraiment pour nous.
La montagne se trouve au cœur du travail d’Angélique Buisson, tout comme elle inspire chacune de mes photographies d’art. À travers ses réalisations, l’a rchitecte d’intérieur transmet une philosophie profonde : celle d’un retour à l’essentiel et à l’authentique. Décorer un chalet alpin devient alors une invitation à ressentir la montagne autrement, à s’y reconnecter pleinement, et à partager cette émotion universelle qui nous unit intimement à la nature.