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Paysages de montagne

La Couronne impériale de Zinal Diadème du val d’Anniviers

Ecrit par Thomas Crauwels
photo montagne noir et blanc alpes suisses couronne impériale

Qui n’a pas rêvé un jour de parcourir les crêtes de ces montagnes prodigieuses ? La Couronne impériale de Zinal emporte le cœur des hommes autant qu’elle illumine celui des Alpes suisses. Égérie céleste ou nymphe intransigeante, que savons-nous alors vraiment d’elle ? Portrait d’un diadème fabuleux sur les hauteurs du val d’Anniviers.

La Couronne impériale de Zinal | Montagnes légendaires au cœur des Alpes valaisannes

À l’aube de la formation des Alpes, la Couronne Impériale de Zinal naît des plissements impétueux d’une longue et épaisse nappe de charriage dérivant de l’Afrique vers l’Europe. Trésor exhumé des profondeurs terrestres, elle rayonne, flamboyante et grandiose, au cœur du Valais suisse comme à la cime du monde. Ce diadème de roche serti de glaciers incarne à merveille la splendeur d’un royaume céleste qui sculpte l’horizon à la cadence de nos cœurs.

La Couronne impériale protège le val d’Anniviers et le village de Zinal qui lui prêtent alors volontiers allégeance. Les cinq sommets de plus de 4000 mètres d’altitude qui la composent, aussi majestueux que légendaires, s’élancent vers le ciel comme un hymne à la grandeur des Alpes. D’ouest en est, la Dent Blanche, l’Obergabelhorn, le Zinalrothorn, le Weisshorn et le Bishorn exposent aux yeux de leurs admirateurs leurs parois de gneiss granitique d’Arolla façonnées par les vents glacés au fil des millénaires. Et des hauteurs de Zermatt, le Cervin les contemple, pyramide souveraine et emblème incontesté des Alpes valaisannes.

La Couronne impériale de Zinal | Théâtre de roche surplombant le val d’Anniviers

À la croisée des chemins comme au cœur de toute chose, la Couronne impériale semble, quand on l’observe, jouer un double jeu. De ses crêtes gigantesques, elle embrasse Zinal et le val d’Anniviers telle une mère nourricière veillant sur ses enfants. Mais ses pointes culminant au centre du Valais matérialisent aussi une séparation. À l’ouest le Valais-Central, à l’est le Haut-Valais. À l’ouest la Dent Blanche, à l’est l’Obergabelhorn, dont les noms à eux seuls figurent la diversité. La haute montagne nous conte ici deux histoires singulières, marquant ainsi toute la richesse culturelle de notre pays.

Au-delà des mots et des civilisations, la nature a forgé cette couronne de roche comme un théâtre pouvant accueillir bien des merveilles. De la cabane du Mountet l’on admire ainsi un cirque glaciaire monumental et somptueux. Sans doute l’un des paysages les plus féériques des Alpes suisses. Au pied de la Dent Blanche, de l’Obergabelhorn et du Zinalrothorn, les glaciers de Zinal et du Grand Cornier, le glacier Durand et celui du Mountet s’écoulent sur la roche comme des rivières de diamants. Spectacle éblouissant qui marque à jamais le cœur de celui qui a la chance de le vivre.

L’âme de la Couronne est bien sûr perceptible lorsque l’on réalise l’ascension de ses hauts sommets. Au contact de sa roche, le long de ses parois et en équilibre sur ses arêtes. On la ressent, on s’en imprègne et elle laisse en nous le goût de l’aventure, un rien d’insaisissable. Mais, la Couronne impériale de Zinal se dévoile aussi à ceux qui prennent un peu de hauteur, profitant alors d’un panorama unique. Embrasser cette muse d’un seul regard, quelle audace poétique ! Des cabanes de Tracuit, de Mountet ou d’Arpitettaz, de Moiry ou des Becs des Bossons, elle se révèle, puissante et absolue. La Haute route impériale, l’une des plus remarquables odyssées des Alpes, offre enfin aux skieurs expérimentés l’occasion unique de contempler les géants du Valais sous leur plus beau jour. Ce raid à ski d’une semaine en haute altitude permet à ceux qui l’osent de longer du nord au sud les cinq montagnes inébranlables de la Couronne de Zinal.

La Couronne impériale de Zinal | L’incroyable traversée d’Erhard Loretan au sommet des Alpes suisses

Les lignes magistrales et audacieuses de la Couronne impériale de Zinal ont de tout temps insufflé aux plus intrépides des aventuriers l’irrépressible envie de les gravir toutes. Pour rejoindre le ciel, pour ressentir à chaque pas franchi l’immensité des Alpes. Pour se dépasser enfin et ne faire plus qu’un avec la nature, sauvage et cristalline. Mais, l’histoire décerne les lauriers de la gloire à Erhard Loretan, alpiniste célèbre et guide de haute montagne. Après avoir conquis les montagnes des Andes péruviennes et de l’Himalaya, il se lance dans une odyssée folle sur les hauteurs du val d’Anniviers.

Alors que l’automne décline en cette année 1985, son ami André Georges, alpiniste de renom, lui propose de parcourir avec lui l’intégralité de la Couronne impériale de Zinal. 140 km d’un enchaînement ininterrompu d’arêtes somptueuses et implacables. 25 000 mètres de dénivellation pour un voyage exceptionnel à la rencontre des plus beaux sommets des Alpes suisses. Sans hésiter, Erhard Loretan accepte de relever ce défi incroyable. Pour tester sa résistance physique et mentale, il saisit sa chance. Le départ est prévu le 12 février 1986. Mais, au lendemain du carnaval, l’alpiniste apprend que son compagnon de cordée dort en prison à la suite de querelles avec l’armée suisse. Contretemps regrettable qui ne décourage pas pourtant les deux explorateurs. L’expédition commence finalement deux jours plus tard.

Le 14 février, Erhard Loretan et André Georges partent de Grächen au nord de la vallée de Zermatt. Pendant trois semaines, ils réalisent l’ascension de près de 40 sommets tous plus magnifiques les uns que les autres. Durant toute leur traversée, ils oscillent entre 3000 et plus de 4000 mètres d’altitude, en équilibre entre la Terre et le ciel. Ils affrontent les vents et les brouillards épais. Ils triomphent de la neige et des pièges glacés. Luttant de toutes leurs forces pour remporter la victoire, ils avancent coûte que coûte le long des crêtes acérées et des parois vertigineuses. Ensemble, ils se sentent plus forts. Ensemble, tout devient possible. Malgré les dangers et les incertitudes, ils restent solidaires. Veillant à chacun de leurs pas, concentrés sur chacun de leurs gestes, ils progressent.

La nature ne leur accorde que 7 jours de douceur baignés par le soleil. 7 jours au paradis face à l’immensité des Alpes comme au cœur de toute chose. Pendant les dix-neuf jours que dure leur course, ils ne s’accordent que trois nuits de bivouac. Transis de froid, ils peuvent alors faire sécher leurs vêtements trempés par la neige à l’abri d’un refuge avant de poursuivre leur ascension remarquable. Puis, vient le jour où Zinal les accueille enfin en héros. Le 4 mars 1986, Erhard Loretan et André Georges viennent à bout de la Couronne impériale et rejoignent Zinal. Exploit retentissant de deux icônes de l’alpinisme qui ont eu l’ambition de croire en leur rêve et la volonté ultime de le réaliser.

La Couronne impériale de Zinal, chef-d’œuvre de la nature né de son effervescence, embrasse le val d’Anniviers pour mieux le protéger. Des hauteurs de ses cimes éternelles et infinies, elle exhorte les hommes à l’audace et à la clairvoyance. À la lumière de ses montagnes merveilleuses, à nous alors de rêver, d’envisager la vie comme une chance unique, de mener sur ses flancs nos plus belles aventures.

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