Au fond du val d’Anniviers, la face nord de l’Obergabelhorn trône à plus de 4 000 mètres d'altitude, aux côtés de la Dent Blanche et du Zinalrothorn. La montagne s’est couverte d’un drapé somptueux : séracs sculptés, neige et glace qui dévalent la face comme des portées musicales. Alors apparaissent deux silhouettes minuscules. Valeureux alpinistes qui entament la descente par la voie normale après avoir conquis l’Arbengrat. Je les regarde avancer à pas comptés. Ils savent que l’ascension n’est réussie qu’à la condition du retour.

J’aime l’échelle que révèle cette œuvre : la majesté de la face nord, la cicatrice d’une rimaye, la petitesse des alpinistes face à la montagne. J’aime les contrastes, les reliefs, la lumière qui polit les formes. Tout ici célèbre la démesure : celle d'un géant de glace, celle des hommes lorsqu’ils se tiennent tout petits au milieu de la montagne.

Photographier cet instant, c’est préserver l’éclat d’une seconde qui ne reviendra plus. C’est offrir à la mémoire des Alpes un refuge où nos plus beaux voyages se prolongent. À chaque fois que je contemple cette œuvre en noir et blanc, je découvre un détail qui m'avait jusqu'ici échappé au regard. L’Obergabelhorn se livre et se dérobe, à la fois flamboyant et silencieux. Qu’il vous emporte, à votre tour, vers une odyssée céleste : sur le dos d'un titan, la beauté nous élève — et nous ramène à l’essentiel.