Portrait de la Jungfrau dans les Alpes bernoises. Les montagnes prennent parfois des allures d’apparitions. Ce jour-là, face à la Jungfrau, tout semblait irréel. Le vent soufflait fort, arrachait la neige aux arêtes, sculptait l’air en volutes mouvantes. Et soudain, comme surgie d’un autre monde, la célèbre pyramide se dévoila. Fugace, floue, presque spectrale.

La Jungfrau est l’un des visages les plus connus des Alpes. Pourtant, ce que j’ai vu ce jour-là ne ressemblait à aucune carte postale. Sous l’effet du vent, la roche elle-même semblait se dissoudre. Des formes étranges apparaissaient puis disparaissaient dans les nuées de neige arrachée. L’observatoire du Sphinx, perché sur le flanc, n’était plus qu’un trait pâle, comme griffonné dans le ciel.

Je suis resté de longues minutes à contempler cette scène. La montagne oscillait entre présence et effacement. C’est ce contraste, cette dualité, qui m’a bouleversé. Ce que je cherche à travers cette photographie, ce n’est pas la netteté d’une ligne, ni l’exactitude d’un relief. C’est l’émotion de l’instant. La puissance d’un souffle. Le frisson de l’indicible. Dans cette composition, les jeux de formes sont presque abstraits. La neige semble danser, la roche se fond dans la lumière. La montagne devient mirage. Un fantôme d’altitude. Une vision qui s’imprime dans la mémoire plus que dans l’œil.

La Jungfrau ici n’est pas monumentale, elle est mystère. Elle nous échappe autant qu’elle nous attire. Et dans ce flou modelé par le vent, elle nous rappelle que les géants alpins, parfois, préfèrent se faire deviner plutôt que dominer.