Après la tempête, le silence. Depuis Zermatt, le ciel encore chargé s’ouvrait par instants, laissant apparaître l’Obergabelhorn comme un spectre surgissant des nuages. À 4 063 mètres d’altitude, ce joyau de la Couronne impériale de Zinal se dévoilait avec lenteur, drapé de neige fraîche.

Ce jour-là, la montagne n’était pas conquérante. Elle se faisait apparition, presque intangible, comme un mirage au-dessus des vallées. La brume s’accrochait à ses arêtes, le vent balayait encore ses flancs, et pourtant, dans cette fragilité, résidait toute sa grandeur. Chaque éclaircie transformait l’instant en une vision nouvelle : tantôt éclatante, tantôt voilée, toujours bouleversante.

Photographier l’Obergabelhorn dans ces conditions, c’est accepter l’inattendu. Ce n’est pas la netteté d’une face, ni la rigueur d’une arête que je cherchais. Mais cette présence fugace, ce moment suspendu où la montagne se livre comme une apparition. Elle surgit, impose sa silhouette triangulaire, puis disparaît de nouveau, laissant derrière elle le souvenir d’un spectacle insaisissable.

L’Obergabelhorn est un sommet de légende. Ses lignes parfaites attirent les alpinistes, son aura captive les regards. Mais ici, il se montre autrement : fantomatique, presque céleste. La tempête passée semblait lui avoir donné une nouvelle peau, l’habillant de neige et de lumière comme pour mieux rappeler sa souveraineté.

Dans ce portrait en noir et blanc, j’ai voulu capter cette dimension éphémère. L’instant où la montagne se fait rêve, entre ombre et clarté, force et fragilité. Une apparition brève, mais inoubliable. Comme un rappel que les sommets, plus que des lieux, sont des présences. Des âmes qui veillent, invisibles, et qui parfois, pour un instant, acceptent de se révéler.